Dans le cadre du débat organisé par le gouvernement, Vienne Nature publie un document visant à apporter des éléments d’information aux participants potentiels au Grand débat national* en matière de transition écologique.

Vous pouvez consulter ce document ci-dessous ou télécharger la version pdf à ce lien.

* Le grand débat est en cours jusqu’au 15 mars 2019.


Une aide pour les participants potentiels au Grand Débat en matière de transition écologique

« La transition écologique n’est pas une option : c’est une nécessité »

Eau

Dans la Vienne : grande fragilité de la ressource en eau, dégradation continuelle de la qualité depuis des années, conflits d’usage sérieux entre l’alimentation en eau potable et l’irrigation agricole, en particulier celle destinée au maïs.
Risques importants d’aggravation avec le changement climatique selon le rapport « AcclimaTerra » porté par la Région Nouvelle-Aquitaine.
Projets énormes et sur-dimensionnés de réserves de substitution sur le bassin du Clain sans projets de territoire associés.

Propositions :

  • Simplifier et décloisonner l’organisation des structures relatives à l’eau et aux milieux aquatiques ;
  • Équilibrer les représentations dans les instances de l’eau pour éviter une surreprésentation de l’agriculture intensive et rendre la gestion de l’eau, bien commun, aux citoyens. Revoir le fonctionnement et le financement des Agences de l’eau : elles ne devront financer que des projets de reconquête de la qualité de l’eau et des milieux, et en priorité la protection des captages par des boisements et d’autres pratiques agricoles, agriculture biologique en particulier.
  • Instaurer un collège citoyen (associations, consommateurs, etc.) dans le conseil d’administration des chambres d’agriculture ;
  • Conditionner l’octroi de volumes d’eau pour l’irrigation au respect d’engagements de changements des pratiques agricoles : varier l’assolement, recréer des surfaces en herbe, installer des cultures résistantes au stress hydrique. Ne plus accorder de volumes d’eau pour l’irrigation des grandes cultures : maïs, blé, protéagineux, etc., mais les réserver à des productions prioritaires répondant aux besoins du territoire : maraîchage sans pesticide, arboriculture, fourrage pour l’élevage, semences, etc. Pas de volumes d’eau pour les cultures destinées à l’industrie : agro-carburants, méthanisation.
  • Financement de la dépollution (usines de traitement) aux frais des pollueurs et non par les factures d’eau du consommateur : respect du principe pollueur-payeur.

Bassine en Charente-Maritime. Crédit photo : Nature Environnement 17


Aménagement du territoire

Une place importante du péri urbain dans la Vienne. Succès depuis des décennies du modèle pavillonnaire dans des lotissements encouragé fortement par les institutions, financé par les banques et mis en œuvre par les promoteurs.

Lutte nécessaire contre la consommation excessive d’espaces agricoles et naturels, particulièrement forte dans la Région Nouvelle Aquitaine, où 9,3% du territoire est artificialisé et où une augmentation de 12% a été enregistrée de 2006 à 2014.

Conséquence en termes de transports quand l’offre de transports collectifs n’existe pas ou est très insuffisante : reste aux habitants le seul choix de la voiture. La consommation d’énergie pour les transports individuels a augmenté de 11% entre 2005 et 2015 en Nouvelle-Aquitaine.

Il est nécessaire de mieux lutter contre l’imperméabilisation des sols : malgré un travail important sur les documents d’urbanisme, la Commission Départementale chargée de limiter l’urbanisation des espaces naturels, agricoles et forestiers a du mal à y parvenir. Les zones dites  économiques se développent tant en milieu péri-urbain qu’en campagne sur une base concurrentielle, sans planification, et les lotissements prospèrent sans que les services suivent.

Lutter aussi contre la banalisation des paysages : cas emblématique  des entrées de villes offrant des fouillis de hangars étiquetés zones commerciales et économiques ; cas particulier du bétonnage en milieu urbain.

Propositions à l’attention de l’État :

  • Revoir le Code de l’urbanisme pour y intégrer tous les objectifs décrits ;
  • Coup d’arrêt aux créations et extensions de zones économiques et commerciales, avec priorité absolue à la densification des zones existantes.
  • Mettre en place réellement le principe ERC (Éviter, Réduire, Compenser), en donnant la priorité à « Éviter ».
  • Règle de « zéro perte de biodiversité » qui obligerait à compenser toute artificialisation d’espaces naturels par une renaturation d’espaces artificialisés de même superficie (friches industrielles par exemple).

Propositions à l’attention des collectivités territoriales :

  • Densifier villes et bourgs en occupant les « dents creuses » tout en aménageant de la nature en ville.
  • Requalifier les routes pénétrant en zone urbanisée en boulevards urbains avec espaces partagés entre voitures, piétons et cyclistes.
  • À moyen terme, n’urbaniser en zone rurale qu’autour de gares, une fois rétabli le maillage du territoire par des trains du quotidien.

Développement de lotissements dans la Vienne. Photo-satellite www.geoportail.gouv.fr


Énergie

La Vienne, un département très concerné par la précarité énergétique d’une grande partie de ses habitants.

  • Rénover sur le plan national un million de logements chaque année au niveau « Bâtiment Basse Consommation » pour améliorer leur isolation ;
  • Rendre plus simples et efficaces les aides à la rénovation pour les particuliers ;
  • Aider les ménages en précarité énergétique à payer leurs factures ;
  • Interdire progressivement la location de « passoires énergétiques », logements trop mal isolés.

 Comment réaliser des économies d’énergie à tous les niveaux, collectivités entreprises, particuliers.

  • Bilan des PCAET (Plans Climat Air Énergie Territoriaux), avec l’ADEME et l’AREC ;
  • Stopper le gaspillage lié à l’éclairage nocturne et la pollution visuelle touchant la faune et les humains ;
  • Promouvoir vraiment l’économie circulaire.

Énergies renouvelables :

  • Cas du photovoltaïque au sol : exclure les secteurs offrant des potentialités agricoles et les habitats naturels.
  • Méthanisation : limiter les cultures dédiées à moins de 10% des matières alimentant le digesteur.
  • Éolien : exiger des garanties de respect des espèces protégées et des habitats : haies, bosquets, fossés….
  • Abandonner des grosses unités de production de chaleur/électricité à partir du bois, déconnectées des possibilités locales d’approvisionnement ;
  • Apporter des aides aux petites unités à base de bois adaptées aux contextes locaux ;
  • Reconsidérer le Plan national Forêt-Bois, dont les objectifs actuels de production dépassent les capacités biologiques des massifs ;
  • En matière de gestion des forêts de production, interdiction des coupes rases de plus de 5 ha en plaine, 1 ha en zones de forte pente.
  • Accélérer la production d’énergies renouvelables locales, notamment l’énergie éolienne et l’énergie solaire (thermique et photovoltaïque), grâce à davantage d’investissements publics, une meilleure planification et plus de concertation avec les habitants et les élus ;
  • Soutenir les projets territoriaux et encourager l’investissement citoyen dans ces énergies.

Favoriser les emplois verts et non délocalisables :

  • En taxant moins les activités d’entretien et de réparation, du matériel informatique, des téléphones, de l’électroménager… et en rendant obligatoire le fait que les appareils soient réparable

Nucléaire :

Une centrale nucléaire à Civaux mise en fonctionnement en 1997. Problèmes divers depuis le début du fonctionnement liés à la conception des circuits et à la fabrication de certaines pièces (malfaçons sur les fonds des générateurs de vapeur, rejet de tritium dans la nappe d’eau souterraine, etc.). En cas d’accident, le PPI en cours de révision sera-t-il suffisant et connu des personnes exposées ?

  • Mettre en place une culture du risque par plus d’exercices préventifs et d’éducation en général.
  • Envisager une sortie du nucléaire. Il faut anticiper dès maintenant la reconversion de cette industrie pour éviter la suppression d’emplois.

Parc photovoltaïque au sol dans la Vienne. Crédit photo : Vienne Nature


Transports

Permettre à tous les citoyens de se déplacer en polluant moins :

  • Investir massivement dans les transports en commun du quotidien;
  • Maintenir les « petites lignes » et les trains de nuit ;
  • Encourager les déplacements en vélo en créant davantage de pistes cyclables sécurisées et en rendant obligatoire l’indemnisation des déplacements domicile-travail en vélo ;
  • Encourager la mobilité partagée en généralisant les plans de mobilité des entreprises pour aider les salariés à mutualiser leurs déplace

Aider les personnes les plus fragiles et dépendantes à la voiture dans leur transition vers une mobilité plus écologique :

  • Créer une prime à la mobilité (sous conditions de ressources) pour acquérir des véhicules moins polluants ou un abonnement aux transports en commun ou l’achat d’un vélo à assistance électrique ;
  • Maintenir et développer les tarifications sociales dans les transports en commun.

Diminuer au maximum les déplacements subis, ceux que les personnes ne font pas par choix, mais par obligation. Cela veut dire redynamiser les centres-ville, privilégier la rénovation plutôt que l’étalement urbain, arrêter de créer des centres commerciaux en périphérie et encourager plutôt le commerce de proximité.

Modifier la règlementation sur la protection des riverains des nuisances causées par les voies ferrées, LGV et voies de fret en particulier :

  • Interdiction des pics de bruit (et non plus calcul gommant les pics) ;
  • Aménagements aux frais des exploitants et non des collectivités, y compris sur les infrastructures existantes.

Photo libre de droit (Pixabay)


Lien entre agriculture intensive et perte de biodiversité

Effondrement de la biodiversité constaté par les scientifiques, en particulier en France et en Allemagne : diminution de 33% des oiseaux des campagnes en France entre 1989 et 2017 (Muséum d’Histoire Naturelle et CNRS, 2018), diminution de 75% des insectes en Allemagne depuis 1989 (revue scientifique Plos ONE, 2017).
Cas spécifique des abeilles et insectes pollinisateurs : multi causes de la mortalité.
Cas particulier de l’étude du CNRS de Chizé.

Propositions à l’attention de l’État:

  • Instauration de ZSCE (Zones Soumises à Contraintes Environnementales) avec interdiction très rapide des pesticides, en particulier de manière urgente du glyphosate, et limitation progressive des nitrates dans les aires d’alimentation des captages d’eau potable ;
  • Interdiction immédiate de l’épandage de pesticides à moins de 100m des écoles, des habitations et de tous les cours d’eau, en particulier les ruisseaux qui font le « chevelu » des têtes de bassin.
  • Soutien plus affirmé à l’agriculture biologique : paiement rapide des aides et renforcement des aides à la conversion ; organisation de formations à destination des élus locaux et des citoyens sur les possibilités règlementaires de protection de la biodiversité et des paysages.
  • Une autre formation dans les établissements agricoles plus ouverte à l’agriculture biologique.

Propositions à l’attention des collectivités territoriales :

  • Maîtrise du foncier par les collectivités afin d’installer de jeunes agriculteurs en bio dans les aires d’Alimentation des captages d’eau potable ;
  • Généraliser les contrats territoriaux d’alimentation entre restauration collective et producteurs de proximité sur la base d’un cahier des charges avec critères de qualité ;
  • Classer toutes les haies fonctionnelles ou susceptibles d’être réhabilitées, les alignements d’arbres, les arbres isolés, les bosquets, les ripisylves en EBC (Espace Boisé Classé)  dans les PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) afin de les protéger ;
  • Veiller à un règlement des zones « N » des PLU vraiment protecteur, avec interdiction de perturber les zones humides.

Propositions à l’attention des Agences de l’Eau :

  • Financer les changements de pratiques agricoles par un conseil technique et économique réellement indépendant des fournisseurs de pesticides ;

Propositions à l’attention des agriculteurs :

  • Recentrer l’agriculture sur les productions alimentaires (on ne nourrira pas la planète en produisant du colza pour le carburant ou la production de méthane) ;
  • Dans le cadre de la réforme de la PAC, renforcer les conditions écologiques dans des MAEC (Mesures Agro-Environnementales et Climatiques) révisées.

Protéger les citoyens des effets des changements climatiques :

  • En stoppant la destruction des zones et prairies humides qui nous protègent des inondations et des sécheresses, et en recréant au maximum celles détruites.
  • Végétaliser des zones d’activité et des centres-ville, afin de lutter contre les puits de chaleur et d’améliorer la situation de la biodiversité en contexte urbain, avec des essences locales adaptées au climat, aux paysages, à l’avifaune locale.

Au sujet de la chasse :

  • Interdiction de la vénerie sous terre et de la chasse à courre ;
  • Instauration d’un jour sans chasse, le dimanche,  afin que les familles puissent se promener sans risques ;
  • Rééquilibrage de la commission chasse et faune sauvage en préfecture avec un nombre égal entre chasseurs et naturalistes ;
  • Respect de la  date de fermeture pour la chasse aux oiseaux d’eau, soit le 30 janvier, déterminée sur des considérations scientifiques par le Muséum National d’Histoire Naturelle.

Friche de Bleuets et de Coquelicots. Crédit photo : Sarah Bégoin, Vienne Nature


Débat public

Améliorer la procédure des enquêtes publiques et ne pas la restreindre au recours systématique au numérique, ce qui serait une erreur grave.

Pour sortir des crises actuelles environnementale et sociale, il faut renouer le dialogue démocratique, notamment en renforçant la démocratie participative en complément de la démocratie représentative.

Faire davantage participer les citoyens à la prise de décision, en particulier concernant les projets locaux qui affectent directement leur environnement :

  • Leur permettre de se prononcer sur l’opportunité d’un projet ;
  • Inscrire dans la loi le recours à une contre-expertise indépendante pour les gros projets en cas de désaccord profond ;
  • Permettre des contre-expertises indépendantes pour les gros projets ;
  • Ne pas faire d’internet le seul moyen de communication ;
  • Renforcer les enquêtes publiques;
  • Organiser des débats publics de manière indépendante ;
  • Respecter l’expression des habitants et y répondre…

Favoriser l’engagement associatif environnemental en facilitant le bénévolat et en soutenant financièrement les associations qui défendent l’intérêt général.

Requalifier le rôle des « conseils de développement locaux » et élargir leur composition avec un quart des membres issus d’associations d’intérêt général (environnement, culture, santé, insertion…) et un quart de citoyens tirés au sort, avec une formation préalable.

Renforcer les missions du Conseil Économique Social et Environnemental, la chambre de la société civile organisée :

  • Rééquilibrer sa composition pour que les trois piliers (économique, social et environnemental) soient représentés équitablement ;
  • Faire de cette chambre la chambre des consultations citoyennes et lui confier le rôle d’examen des lois de programmation sous l’angle de leur impact de long
  • Lui confier la mission d’observatoire des expériences innovantes ainsi qu’aux CESER.

Une réelle éducation à l’environnement, organisée et financée. Permettre à tous d’avoir accès à la nature, en protégeant les réseaux de milieux naturels.

Débat public sur les bassines. Crédit photo : Bien Vivre en Val de Boivre


Fiscalité et dépenses publiques

Alors que les conséquences des dérèglements climatiques se font déjà sentir et que les populations les plus vulnérables en sont les premières victimes, la fiscalité écologique est indispensable pour faire évoluer les comportements. Mais elle ne pourra être acceptée que si les efforts sont partagés de manière juste et que des mesures d’accompagnement sont mises en place pour celles et ceux qui en ont besoin.

Une fiscalité au service de la transition écologique et solidaire :

  • Les recettes issues des taxes écologiques doivent être affectées à la transition, ainsi qu’à l’accompagnement des populations les plus modestes et les plus dépendantes des énergies fossiles, notamment dans les zones rurales ou en périphérie des villes;
  • Elles doivent aussi servir à soutenir les évolutions des entreprises vers des procédés plus efficaces en énergie, plus économes en ressources et non polluants;
  • De manière générale, il faut augmenter le budget pour la transition écologique.

Une fiscalité carbone plus juste :

  • La taxe carbone est indispensable pour inciter progressivement à moins polluer. Elle doit être rétablie, mais de manière plus jus Aujourd’hui certains secteurs pourtant très polluants sont exemptés. Les ménages sont 3 à 6 fois plus taxés sur le carbone que les grands pollueurs. Il faut donc appliquer avec équité le principe pollueur-payeur, en supprimant les cadeaux fiscaux accordés aux modes de transports les plus pollueurs, notamment le transport de marchandises par la route et le secteur aérien.

La fin des aides publiques aux projets ou activités toxiques pour l’environnement :

  • Il faut écoconditionner systématiquement l’ensemble des aides publiques pour favoriser l’évolution des activités économiques et cesser d’aider celles qui ne s’orientent pas vers la transi C’est notamment essentiel dans le secteur de l’agriculture.

Photo libre de droit (Pixabay)