Pesticides

Le terme "pesticides" désigne les substances actives ou les préparations utilisées pour la prévention, le contrôle ou l’élimination d’organismes indésirables, qu’il s’agisse de plantes, d’animaux, de champignons ou de bactéries. Les pesticides regroupent ainsi les produits phytopharmaceutiques (pour la protection des plantes), les produits biocides (pour l’élimination d’organismes nuisibles comme les insectes ou les rongeurs ou pour la protection du bois) ainsi que les produits antiparasitaires utilisés chez l’animal.

Tous ces produits sont commercialisés sous forme de préparations solides ou liquides dans lesquelles sont mélangés une ou plusieurs substances actives et des adjuvants. On trouve sur le marché français plus de 5000 produits différents utilisant environ 400 molécules actives différentes. Ces produits ne sont commercialisés en France que s’ils ont reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM). Toutes les autorisations sont recensées sur la base de données e-PHY de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail).

En 2019, il a été acheté dans la Vienne 641 tonnes de pesticides. Le glyphosate est  le premier sur la liste des produits achetés.

Des traces de pesticides dans l'environnement

Selon les conditions d’utilisation, 20 à 40 % des pesticides épandus n’atteignent pas leur cible. Les causes sont multiples : dérive lors de l’épandage (mauvais réglage du matériel, entraînement par le vent), volatilisation des produits, entraînement par la pluie (ruissellement et infiltration) et par l’érosion. On retrouve ainsi des pesticides dans tous les compartiments de l’environnement (air, eau, sol), dans tous les écosystèmes terrestres et aquatiques où ils contaminent à des degrés divers, plantes et animaux. On les retrouve aussi dans les produits alimentaires issus directement (céréales, légumes, fruits) ou indirectement (jus de fruits, vin, bière, lait, viande) des cultures traitées.

Présence dans l'eau

D’après le Service des Données et Études Statistiques (SDES) du Ministère de la Transition écologique, la contamination des eaux naturelles superficielles et souterraines par les pesticides est quasi généralisée (DATALAB Eaux et milieux aquatiques, 2020). Dans la région, la vulnérabilité de la ressource en eau vis à vis des pollutions diffuses par les nitrates et les pesticides est très importante. La dégradation continue et régulière de la qualité des eaux brutes constatée depuis les années 1980 a ainsi entraîné la mise hors service de plus de 410 captages (source ARS / BRGM).

L’Agence Régionale de Santé (ARS) est chargée de l'analyse des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH).
La présence de pesticides est tolérée dans l’eau potable mais des limite de qualité sont fixée dans l'instruction DGS/EA4 n2010-424 du 9 décembre 2010.  Des dérogations, basées sur une évaluation des risques, peuvent être octroyées pour dépasser les limites par la Préfecture de manière temporaire, 3 ans renouvelables, à condition que la population en soit informée et que des moyens soient mis en œuvre pour remédier à la situation. Dans la Vienne, ces dérogations concernent actuellement 26 communes dont l'eau contient des résidus d'un pesticide, le métalochlore.

Présence dans l'air

Les mesures effectuées par l’agence de surveillance de la qualité de l’air  ATMO Nouvelle Aquitaine  mettent en évidence une contamination de fond permanente, tant en ville qu’à la campagne, avec des pics plus importants correspondant, avec un décalage de quelques jours ou de quelques semaines, aux périodes de traitements agricoles. Il n’existe actuellement aucune norme pour les pesticides dans l’air.

Présence dans les denrées alimentaires

La présence de pesticides est tolérée dans les produits d’origine animale ou végétale destinés à la consommation humaine ou animale en s’assurant que les résidus de pesticides présents dans les aliments ne constituent pas un risque inacceptable pour la santé des consommateurs et des animaux. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) est chargée d’évaluer les risques pour la santé à partir des données toxicologiques existantes et des habitudes de consommation. Elle propose des Limites Maximales de Résidus.

En France, la Direction Générale de l’Alimentation et la Direction Générale de la Consommation et Répression des Fraudes se partagent la surveillance et le contrôle des denrées alimentaires. L’ANSES  est chargée de l’évaluation des risques (Nutrivigilance). D’après les données publiées en 2017, environ 63 % des échantillons de fruits et 43% des échantillons de légumes contrôlés en France contenaient des résidus de pesticides. Parmi ces résultats, 3 % des fruits et  2,4 % des fruits étaient hors normes (dépassement de la Limite Maximum de Résidu) (source: DGCCRF et Générations Futures).

Les impacts sur la biodiversité

Présents dans tous les écosystèmes, les pesticides se retrouvent dans les différents maillons des chaînes alimentaires affectant ainsi le comportement et la reproduction de nombreuses espèces vivantes. Les entomologistes observent la raréfaction de nombreuses espèces de papillons et d’insectes butineurs qui jouent un rôle fondamental dans la pollinisation des plantes. Les espèces dont le régime alimentaire est insectivore paient un lourd tribut ainsi qu’en témoigne la diminution de certaines espèces d’oiseaux ou de chauves-souris. Amphibiens, reptiles et poissons sont également touchés du fait de la présence de pesticides dans leurs écosystèmes. Les botanistes signalent la quasi-disparition de certaines plantes comme par exemple les messicoles, plantes auxiliaires des moissons.

Les traitements phytosanitaires répétés provoquent aussi un appauvrissement, moins visible mais bien réel, de la microfaune et de la flore microbienne des sols. Une étude de 2021, montre la présence d'un à plusieurs pesticides dans les vers de terre pouvant entrainer un dysfonctionnement de leur reproduction. Par ailleurs et paradoxalement, l’utilisation répétée des pesticides induit la prolifération de certains ravageurs des cultures qui deviennent résistants à certaines molécules actives, obligeant alors à augmenter les doses ou à trouver de nouvelles molécules ( Réseau de Réflexions et de Recherches sur les Résistances aux pesticides).

Les conséquences sur la santé

Dans ce domaine, les professionnels, agriculteurs et agents des collectivités, sont les premiers concernés. Les données sur la toxicité des phytosanitaires peuvent être consultées dans la base de données Agritox administrée par l’ANSES.
Si toutes les précautions d’emploi ne sont pas respectées, une intoxication aigüe peut survenir. Des maux de tête, nausées, maux de ventre, irritations cutanées ou oculaires, des difficultés à respirer sont fréquemment signalés. «Un utilisateur de produits phytosanitaires sur cinq a ressenti des troubles au moins une fois dans l’année écoulée» comme le montre l’opération « Phyt’Attitude » de la Mutualité Sociale Agricole (MSA).
En cas d’exposition chronique aux pesticides, les atteintes de la fonction de reproduction, les troubles neurologiques et les pathologies cancéreuses sont les effets sanitaires les plus fréquemment évoqués. Des études toxicologiques et des enquêtes épidémiologiques sont en cours qui permettront peut-être de confirmer la forte suspicion d’un lien causal pour certains types de cancers observés plus fréquemment chez les agriculteurs. En 2006, la maladie de Parkinson a été, pour la première fois en France, reconnue par un tribunal de Bourges comme maladie professionnelle chez un ancien ouvrier agricole.

Dans la population générale, la question se pose également de savoir si la pollution diffuse par les pesticides, et par conséquent l’imprégnation des individus par ces substances, dont certaines sont reconnues comme CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) ou perturbateurs endocriniens pourrait être l’une des causes de l’augmentation importante et inexpliquée de la fréquence de certains cancers, en particulier chez des sujets jeunes, ou de la dégradation de la qualité du sperme observée depuis quelques années.

L’NSERM a tiré la sonnette d’alarme dès 2013 en produisant une expertise collective pluridisciplinaire  « Pesticides : effets sur la santé » . Il a publié fin 2021 une actualisation de cette expertise collective avec de nouvelles données  apportant une présomption forte de la toxicité de certains pesticides.

 Quelles évolutions dans l'utilisation des pesticides?

Longtemps niées ou minimisées, les conséquences de la pollution diffuse liée à l’utilisation massive des pesticides commencent à être mieux connues des professionnels et du grand public. Des actions correctives commencent à voir le jour mais celles-ci sont encore largement insuffisantes.

Des changements de pratique agricoles

Certes, l’agriculture biologique, qui n’utilise pas d’engrais ni de pesticides de synthèse, est une alternative maintenant reconnue officiellement et qui se développe rapidement mais encore insuffisamment ( 12 % des exploitations en 2020) car pour satisfaire la demande des consommateurs, la France est obligée d’importer des produits biologiques.

Vers une meilleure protection des ressources en eau potable

La démarche “Re-Sources”, visant à préserver et reconquérir les ressources en eau dans les bassins d’alimentation de captage d’eau potable, s’est concrétisée par la signature en 2005 d’une convention-cadre multipartenariale pour un programme pluriannuel d’animation, de diagnostic et d’actions. Vienne Nature est partenaire. L’opération, basée sur le volontariat des agriculteurs, a été reconduite plusieurs fois et son périmètre a été élargi mais les résultats se font attendre et ne sont pas à la hauteur des sommes dépensées. Deux nouveaux contrats, concernant l’Auxances et le Sud Vienne, ont été signés en 2021.

Des évolutions de réglementations de commercialisation et d' utilisation des pesticides

Certes, de nombreuses substances toxiques et persistantes ont été interdites en agriculture comme le lindane en 1998 ou l’atrazine en 2003 mais ces substances et leurs produits de dégradation (métabolites) sont encore retrouvés couramment dans l’air, les sols et les eaux. Parmi les 400 molécules homologuées, il en reste encore environ une centaine qui sont classées CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) ou qui sont des perturbateurs endocriniens. Il s’est encore vendu 8000 tonnes de pesticides contenant des substances actives CMR en 2019 (Ministère de l'agriculture et de l'alimentation).

Une réflexion sur la réduction de l'utilisation des pesticides et limitation des impacts environnementaux a débuté en 2005 avec une expertise scientifique collective ( Rapport d’expertise Inra-Cemagref ). A partir des résultats de l'expertise, un premier Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides a été lancé pour la période 2006-2009. A la suite, le Plan National Ecophyto 2018 a été mis en place en 2009.Dans ces deux plans, l'objectif est de réduire de 50% l'utilisation des pesticides pendant la durée des plans. Début 2015, devant l’échec annoncé de son plan, le Gouvernement a proposé de nouvelles orientations dans un Plan Ecophyto II avec un objectif de réduction en deux temps: de -25% d’ici 2020 puis de -50% d’ici 2025. En 2018 le plan Ecophyto II+ voit le jour. Il reprend les objectifs du plan précédent avec quelques modifications. Malgré ces plans à objectif précis, il n'est pas observé de baisse significative de l'utilisation des pesticides. On a même observé une hausse de consommation de 25 % entre 2008 et 2018.

Il est légitime de se poser la question des volontés de réduction quand on peut lire des études montrant les réelles possibilité de changement de pratiques . En 2010, l’NRA publie les résultats de son étude Ecophyto R&D qui a exploré les voies de réduction des pesticides dans quatre filières: grandes cultures, arboriculture fruitière, viticulture et cultures légumières. Les résultats montrent qu'il est tout à fait possible pour certains types de culture de réduire d’au moins 30% l’utilisation des pesticides sans réduction notable de rendement et surtout sans réduction du revenu global pour l’agriculteur.

Dans le domaine non agricole, par contre, la loi Labbé de 2014 a grandement fait évoluer les choses : Depuis 2017 pour les établissements publics et les collectivités l’utilisation des pesticides est interdite sauf pour quelques usages précis (Ma commune sans pesticides : le guide des solutions) .  Depuis 2019, l’interdiction est totale pour les particuliers.

Les propositions de Vienne Nature et de France Nature Environnement

Il faut tendre le plus rapidement possible vers une agriculture durable, c’est-à-dire socialement, économiquement et environnementalement acceptable, une agriculture qui n’aurait plus grand chose à voir avec l’agriculture actuellement dominante, dite « conventionnelle », en grande majorité productiviste, polluante et peu respectueuse de la biodiversité.
Au minimum, il faudrait dans un premier temps:
- Retirer immédiatement du marché tous les pesticides classés CMR 1 et 2 (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) et/ou perturbateurs endocriniens ainsi que les néonicotinoïdes

- Élargir les Zones de Non Traitement (ZNT) pour respecter le droit de vivre loin des pesticides pour les riverains des parcelles cultivées et la préservation des cours d'eau (règles actuelles en termes de ZNT riverains et ZNT cours d'eau dans la Vienne)

- Augmenter de façon conséquente les aides à l’agriculture biologique de façon à lui permettre de doubler sa superficie d’ici 5 ans

Pour aller plus loin:

Droit de vivre loin des pesticides (France Nature Environnement)

Pesticides: un kit pour renouer localement le dialogue (France Nature Environnement)

Alternatives aux pesticides (Générations Futures)

Agriculture Durable (Réseau CIVAM)

Plateforme officielle Ecophyto Jardins, Espaces végétalisés et Infrastructures (Informations pour les particuliers pour des pratiques de jardinage sans pesticides)

Phytéis Fédération d'entreprises vendant des pesticides ( lobby des pesticides)

 

 

 

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