Communiqué de presse sur le Protocole du bassin du Clain par la Confédération paysanne, la LPO Poitou-Charentes, l’UFC-Que Choisir et Vienne Nature.
28 juillet 2022

Du faux, du flou et un aveu

Présenté le 12 juillet par le Préfet de la Vienne, le Protocole du bassin du Clain, version 2, révèle de fausses informations, du flou sur les principaux enjeux, mais aussi et surtout l’aveu d’une augmentation des volumes d’eau prélevés sur l’année.

Il ressort ainsi qu’au maintien, de fait, d’un prélèvement d’une grande partie des 28,7 millions de m3 actuellement autorisés en été, s’ajoutent les 9 millions de m3 actuellement pompés en hiver pour remplir des plans d’eau d’irrigation et le supplément de 9 millions de m3 pompés en hiver pour remplir les nouvelles bassines.

De tels prélèvements pour l’irrigation sont incompatibles avec l’alimentation en eau potable et la survie des milieux aquatiques et de leur biodiversité. Les premiers résultats de l’étude HMUC (Hydrologie Milieu Usage Climat) insistent précisément sur la nécessité de réduire les volumes prélevables.

Quant à la prétendue baisse de 20 % par rapport aux ambitions démesurées du premier projet, mentionnée dans la présentation, impossible d’en trouver trace dans le nouveau texte : rien ne la garantit.

Avec cette augmentation, on veut exploiter une ressource qui n’existe pas.

Il est une certitude : une centaine d’exploitations, représentant 20 % de la Superficie Agricole Utilisée (SAU), arrosent blé et maïs en pleine sécheresse tandis que la masse des irrigants du bassin du Clain – dont le volume prélevable d’eau a déjà été diminué – sont privés d’eau par les restrictions.

La majorité des agriculteurs ne veut pas de ce genre de partage inégalitaire. La pénurie rend le partage inégal encore plus insupportable.

Parallèlement, il est proposé une usine à gaz UN GIP (Groupement d’intérêt public) pour gérer, à la place des instances existantes, de prétendues « contreparties » à ces privilèges. En fait, elles relèvent déjà des compétences des Contrats Re-Sources sur les captages d’eau potable, et des Contrats Territoriaux Milieux Aquatiques pour les zones humides et les cours d’eau. C’est donc ajouter une structure supplémentaire qui aura pour conséquence de mettre en concurrence les instances qui gèrent l’eau. Le GIP s’approprierait partiellement les compétences de la Commission Locale de l’eau (CLE) et celles de l’Organisme Unique de la Gestion Collective (OUGC) sans que l’on sache trop ce qui reste aux structures légales déjà en place. Belle promesse d’immobilisme !

Quant à la réduction des pesticides, un enjeu majeur, il n’est pas sérieusement traité.

La réduction telle qu’elle est prévue est fictive pour deux raisons :

1. L’indicateur choisi : l’Indice de Fréquence de Traitement (IFT), ne mesure rien. Il est depuis longtemps reconnu dans les travaux scientifiques qu’il ne prend pas en compte la mise sur le marché de molécules sans cesse plus toxiques que les précédentes à dose égale ou inférieure.

2. La prévention conçue en termes de dose-effet ne fonctionne pas. Ce n’est pas la dose qui rend malade, mais la longue durée de consommation ou d’inhalation de quantités infimes (exposôme) à des molécules cancérogène, mutagènes et reprotoxiques (CMR).

La seule mesure efficace, et vérifiable : c’est l’interdiction – en urgence – de toutes les molécules classées cancérogènes probables ou possibles, à l’échelle des bassins d’alimentation des captages d’eau potable et non à l’échelle du périmètre rapproché.

Le Protocole maintient, par ailleurs, le cadeau financier fait aux pollueurs et payé par les consommateurs. Les bassines (propriétés privées) seraient dès lors, financées par 25 % d’argent public et 35 % par nos factures d’eau.

Rappelons que notre département constate l’aggravation ancienne et continue de la pollution d’origine agricole dans notre eau à la sortie de nos robinets. Une trentaine de communes reçoivent une eau non conforme : contaminée aux pesticides à un taux dépassant le maximum autorisé.

Les milieux aquatiques et la biodiversité ne sont pas mieux considérés dans ce nouveau protocole.

Les volumes stockés, les productions et les pratiques agricoles restent les mêmes dans cette nouvelle version. Par conséquent, les impacts sur les milieux, sur la faune et sur la flore restent les mêmes.

Ce protocole est contraire au chemin qu’il est nécessaire de suivre, celui de l’agroécologie.

Enfin, pour conclure, reste le dogme immuable qui fonde le protocole de la version 1 : le protocole vaut Projet de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE). Un tour de passe-passe pour contourner la règle et ne pas intégrer dans la même prospective l’eau potable, la survie des milieux, et la sécurisation de l’irrigation de cultures prioritaires, seule condition d’une gestion POUR TOUS LES USAGES.

 

Photo : “petite” bassine déjà existante dans la Vienne. Crédit : Olivier Prévost